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Oizos Rares
28 octobre 2013

Scarification ou "blessures cutanées auto-infligées"

scarifications n°1

C'était en avril ou mai, je ne sais plus... Je suis entrée dans la salle de bain alors que Oizo n°1 prenait sa douche - ce qui m'arrive très rarement, pas respect de sa pudeur - et j'ai aperçu dans la glace le reflet de ses bras... couverts de coupures...

Je me suis tournée vers elle, l'apercevant en entier. Et là, en une fraction de seconde, j'ai simultanément vu ses bras et ses cuisses tailladées et son joli petit visage où s'imprimait un mélange de honte, de colère et de défi...

Je suis sortie. Les larmes aussi...

Je suis tombée des nues. Ne comprenant pas pourquoi je n'avais rien vu AVANT. Étais-je donc une mauvaise mère ?

Les images se superposaient dans mon crâne.

Celles de ma toute petite fille pour laquelle j'avais décidé d'entrer en guerre contre l'allergie, pour laquelle j'imaginais mille recettes pour la régaler (sans œufs, sans lait, sans soja, sans céleri et sans arachide), que je tartinais deux fois par jour de crème pour calmer ses crises d'eczéma, que je câlinais et portais des heures durant pour qu'elle s'endorme apaisée...

Celles de mon grand bébé qui bousillait sa jolie peau pour... POURQUOI MERDE ?

Une heure après, je l'ai invitée à venir faire un câlin. Et j'ai posé des questions. Tentant de taire la plus importante "pourquoi ?Oizo n°1 prenait un ton à la fois docte et fataliste pour répondre qu'elle "ne pouvait pas s'en empêcher"...

Plus tard dans la nuit, réflexe des mamans du vingt et unième siècle : internet !

Crises de boulimie avec vomissements et scarifications sont des phénomènes associés : crises incoercibles qui témoignent de quelque chose d’impossible à garder en soi, représentation de la vidange, du débordement rejeté soit à la surface de soi (scarifications), soit en dehors de soi (vomissements).

http://www.jeunesviolencesecoute.fr/espace-professionnels/quest-ce-que-la-violence/types-de-violences-definitions-que-dit-la-loi/scarifications.html

Mais qu'est-ce qu'elle ne peut garder sur elle et en elle Oizo n°1 ? Son surpoids lui est-il donc si insupportable ? Le cynisme avec lequel elle l'évoquait m'avait trompé...

Elles concernent le plus souvent des jeunes filles pubères de 13 à 16 ans. Ces lésions ne sont pas à visées suicidaires. Elles sont infligées sur la face dorsale de la main, de l'avant-bras ou du genou à la cheville avec des objets anodins souvent très petits qui appartiennent parfois à un proche et qui se cachent facilement ( fragment d'une lame de rasoir, coin de carte bancaire de la mère par exemple ). La crise est réputée incoercible. Le plus souvent, la jeune fille se livre en cachette à ses lésions, comportement vécu comme honteux. Comme le cas des détenus qui cachent des objets coupants « au cas où » ce qui les empêcheraient de « péter un câble ».

Et d'un seul coup je revois sa manière que je trouvais amusante de porter des jambières sur ses bras ou de percer le bas de ses manches pour y glisser le pouce... Et alors je comprends ce qu'elle avait à cacher, ce qu'il lui fallait éviter de montrer...

Petit flashback

Quelques semaines plus tôt, Oizo n°1 avait demandé à voir un psy. Elle évoquait un mal être avec les autres... Aussi tôt dit, aussi tôt fait, convaincue qu'il ne fallait jamais négliger cette demande lorsqu'elle émane des adolescents eux-mêmes et persuadée qu'un professionnel l'aiderait sans doute mieux que moi à aller de l'avant, j'ai pris rendez-vous dans un Centre Médico-Psycho Pédgogique.

Rapidement, Oizo n°1 a exprimé des réticences à s'exprimer avec le médecin. "Il a un accent, je ne comprends pas tout ce qu'il dit, il ne me plait pas"... Et puis "je ne veux plus aller le voir, ça ne sert à rien".

Aussi tôt dit, aussi tôt fait. J'ai mis sa décision sur le compte d'un malaise passager qui s'était suffisamment dissipé pour qu'elle parvienne à le surmonter. Et puis au printemps dernier, Oizo n°1 me relance subitement : "Je voudrais retourner voir un psy".

Bon, bon, bon... Je rappelle, explique, demande un rendez-vous avec un pédo-psy féminin et sans accent s'il vous plait... On me dit qu'on va faire le maximum. Qu'il faudra un peu de patience...

J'explique à Oizo n°1. Qui relance de temps à autre...

Afin d'être sûre de sa motivation, pour l'encourager à prendre un peu d'autonomie et me disant que cela accélérera peut-être un peu les choses, je lui donne le numéro et l'encourage à appeler elle-même.

Un mercredi, ma grande demande la permission - accordée - d'aller chez une amie. Une heure plus tard, elle m'appelle en larmes. "Je t'ai menti. J'ai dit à l'infirmière scolaire que je n'osais pas appeler pour prendre rendez-vous avec un psy. Elle a appelé pour moi et j'ai eu un rendez-vous pour aujourd'hui. Mais je me suis perdue et je ne sais pas comment faire pour rentrer".

J'ai pris une grande respiration et piloté ma grande à distance sur le chemin de la maison... Et pendant qu'elle était dans le bus, j'ai passé mes nerfs sur l'infirmière scolaire, furieuse qu'elle envoie une gamine de 14 ans et demi seule dans le quartier le plus chaud de la ville, en bus, sans nous prévenir.

Et puis j'ai aussi pas mal pleuré sur mon incompétence de mère ! Sur l'aveuglement qui m'a fait zapper l'urgence RÉELLE pour Oizo n°1 de trouver un lieu pour vider son sac...

Au retour de ma grande fille, j'ai réussi à la féliciter pour l'autonomie qu'elle venait de montrer tout en lui expliquant la prise de risque à mentir sur sa destination, à prendre le bus (sans ticket en plus) pour un quartier où le nombre d'embrouilles au mètre carré nourrit la presse locale et même nationale...

Fin du flashback

Et alors que depuis quelques semaines Oizo n°1 est suivie dans le cadre de ce dispositif destiné aux ados, voila que je découvre qu'elle se blesse, se punit, se vide de quelque chose de trop pesant pour ses jeunes épaules.

Mais quelle conne ! Je suis pourtant bien placée pour savoir que quelques semaines avec un psy ne représentent qu'un début de relation bien éloignée de l’apaisement d'un état d'angoisse...

Je pense aujourd'hui que j'ai inconsciemment minimisé l'état de Oizo n°1 parce que j'étais déjà débordée par le suivi de mes deux autres zozios...

J'ai sacrifié la santé et le bien être à mon besoin inconscient de pouvoir me dire que j'en avais "au moins une qui aille bien".

Pardon ma grande. Pardon...

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