Un diagnostique difficile à poser pour mon Oizo n°3

Drôle d'oiseau est, depuis qu'il est né, un oiseau rare qui déroute tout ceux qui le découvrent. Il suscite tout autant la tendresse que l'agacement par sa manière d'être unique et passionnante.

Il a été le plus prompt de mes petits à manifester son désir d'autonomie en se saisissant tout seul de son biberon très tôt, en marchant à neuf mois et demi et en partant depuis lors à la découverte du Monde et de toutes les expérimentations qu'il offre.

Mon petit numéro trois est un "drôle d'oiseau" parce ce qu'il nous a été livré sans mode d'emploi. Et qu'il n'en a pas non plus reçu pour faire son entrée dans la vie...

A lui seul, il a inventé tout ce qu'à l'époque nous qualifiions de bêtises auxquelles mes deux premiers n'avaient même jamais songé. A un an et demi, il parvenait à faire disjoncter le compteur électrique en entrant un objet pointu dans une prise de courant sécurisée ; à deux ans, je l'ai trouvé un matin juché sur le plan de travail de la cuisine en train de se préparer un biberon avec le blender ; à trois ans, il a démonté entièrement l'aspirateur avec un tournevis, foutu la télé par terre en voulant l'observer de plus près...

Drôle d'oiseau s'exprimait dans un jargon incompréhensible mais avec le ton et les gestes qui présageaient d'un orateur né. Et cela a duré longtemps, au point de nous inquiéter (enfin, surtout moi...) longtemps. Très à l'aise dans ses baskets, il a longtemps ôté ses vêtements plusieurs fois par jour pour se balader à l'intérieur ou dans le jardin avec pour seul vêtement ses bottes de pluie !

La "discipline", les repas dans le réfectoire et les toilettes (en) publiques ne l'ont "intéressé" qu'assez tard, ce qui lui a valu un "renvoi" de la maternelle à temps plein. Dès lors, il a été qualifié d'enfant "opposant" et nous de parents non cadrants. Sauf que personne ne parvenait à "cadrer" Drôle d'oiseau qui observait fixement un instant ceux qui lui expliquaient les interdits avant de courir les tester plus loin...

En moyenne section maternelle, on nous a invité plusieurs fois à des réunions pour "pointer" le comportement de notre fils qui restait toute la récré assis dans un coin de la cour avec sa capuche sur la tête en s'endormant parfois ou qui filait se cacher dans les toilettes sans répondre aux appels désespérés des maîtresses...

Je sentais qu'il y avait un truc particulier dans le comportement de Drôle d'oiseau. Mais en même temps, j'éprouvais de l'admiration pour son petit caractère bien trempé grâce auquel il ne semblait vouloir obéir qu'à ses propres envies. Remarques et punitions semblaient glisser sur lui. Je sentais aussi qu'il souffrait de certaines situations. Mais ne savais pas pourquoi ni comment l'aider.

En grande section, la maîtresse s'inquiétait de son incapacité à demeurer assis longtemps, de sa solitude et de son insistance à vouloir ajouter des ronds verts et des spirales multicolores lorsqu'elle demandait aux enfants d'entourer certains mots de carrés rouges. A la fin de l'année, après le bilan nouvellement pondu par le ministre en charge de l'enseignement, nous avons pour la première fois entendu que Drôle d'oiseau était "impossible à évaluer".

Moi aussi je m'inquiétais. Car en reprenant les exercices avec mon Drôle d'oiseau, j'ai senti instinctivement qu'il avait des difficultés à reconnaître les mots "clé"... Et qu'il contournait cet échec en faisant autre chose - histoire de faire quelque chose - sur la feuille... J'ai alors eu l'idée de l'emmener voir une orthophoniste pour "préparer" l'entrée au CP. Manque de bol, la seule qui soit alors disponible (on ne s'est rapidement plus demandé pourquoi) était une sorte de psycho-rigide que Drôle d'oiseau ne voulait plus voir qu'en peinture. Et encore !

A la fin du CP, Drôle d'oiseau récitait l'alphabet et classait dans l'ordre les lettres du Scrabble, mais ne pouvait associer le son d'une lettre à sa représentation graphique. Nous avons lutté pour le faire redoubler et fait passer un bilan au Centre du langage. Bingo : numéro trois a été diagnostiqué dyslexique dysorthographique. Mes tripes ne m'avaient pas trompé !

Dès le début du second CP, changement d'orthophoniste et SOS lancés au RASED.

http://www.education.gouv.fr/cid24444/les-reseaux-d-aides-specialisees-aux-eleves-en-difficulte-rased.html

Refus au motif que "si Drôle d'oiseau a besoin du RASED, tous les enfants de l'école en ont besoin, car cet enfant est très intelligent". Et voila comment cette certitude idiote que comportement atypique, dyslexie et intelligence ne puissent aller de paire, mon fils a été stigmatisé (dieu que les enfants sont cruels entre eux et les enseignants trop souvent idiots !) et est entré en rébellion contre l'école. Et continué de passer les récrés dans son coin sans que personne ne comprenne son mal être !

Pendant ces trois années de primaire, il n'a pu communiquer/participer/fonctionner que lorsque les adultes qui l'encadraient lui donnaient un peu de temps en individuel et le valorisaient, que ce soit à l'école, au centre de loisirs ou au club de sport. Et cela en dépit des interventions de la psy vers laquelle nous l'avions orienté pour l'aider dès l'age de six ans.

Au point que nous l'en avons retiré à la fin du CE1 pour le scolariser dans une autre école fonctionnant en pédagogie institutionnelle et en méthodes Freinet.

http://centreguenouvry.free.fr/pedainst.htmhttp://

http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/8309

Et là, Drôle d'oiseau s'est peu à peu réconcilié avec l'école, les enseignants et les apprentissages puisque ces derniers laissent la part belle à l'exploration et à l'expérimentation. Il s'est doucement ouvert au fonctionnement dans un groupe d'enfant. A la fin du CM1 il évoquait même quelques copains...

Ne restait qu'à comprendre pourquoi Drôle d'oiseau ne fonctionnant bien qu'en relation duale à l'adulte et ne s’intéressait pas plus que cela aux enfants de son âge. Je commençais à imaginer qu'il y avait un trouble du développement qui m'évoquait l'autisme de type Asperger mais personne ne me suivait sur ce terrain.

Lorsque Drôle d'oiseau a eu 9 ans, mes tripes continuaient de me souffler qu'il y avait un TED là dessous. Et j'avais besoin d'une "étiquette" pour mieux aider mon fils, mieux comprendre son fonctionnement, ses limites, ses besoins, ses capacités... Je suis parvenue à obtenir un rendez-vous avec le chef d'un service hospitalier chargé de ce type de diagnostic. Et j'ai été entendue !

Mon amour de drôle d'oiseau a eu droit à un bilan complet sur 15 jours se soldant par un diagnostique qui va enfin nous permettre de le soutenir. Il souffre - mais est-ce exactement une souffrance ? - d'un TED de type Asperger.

http://www.aspergeraide.com/content/view/23/32/

Il est désormais pris en charge en rééducation aux habiletés sociales, ce qui va, je le souhaite, grandement l'aider à aborder le collège.

http://www.autisme-ressources-lr.fr/IMG/pdf/17dec2012-brisot-dubois-groupe-entrainement-habiletes-sociales.pdf

Car - est-il indispensable de le préciser ? - son niveau d'intelligence est plus que confirmé. Il entrera donc en septembre prochain en 6ème accompagné d'une auxiliaire de vie scolaire. Même si pour cela il me faut passer par la MDPH qui va lui coller une étiquette "handicapé" qui va tout au contraire lui ouvrir bien des portes !
http://www.mdph.fr/